
Résumé : Aix-en-Provence, 2005-2006. Un jeune homme désœuvré promène son spleen et sa misère sentimentale entre son studio étriqué, un sex-shop et le parking souterrain où il travaille comme gardien. Un peu par hasard et par curiosité, il oriente sa quête de jouissance toujours frustrée vers le milieu gay. S’il a du mal à trouver ce dont il a besoin, il croise en revanche la route ce qui semblerait être un tueur en série.
L’Agapanthe est un roman de Raphaël Watbled, publié en mai 2023 aux Éditions Le Poisson Volant. Nous avons également le plaisir de lire le mot de l’éditrice (Laure Élisabeth Collet), une préface de Ariane de Frontzac et une postface de Patrick Cardon (que du beau monde). Je remercie par ailleurs la maison d’édition et l’auteur qui m’ont permis de découvrir ce livre (#partenariat pour pas se faire strike sur l’instagram ahah).
Disclaimer : si c’était un film, on serait surement en Pegi 16 voir 18 mais pas trop quand même. Oui il y a un peu de sexe, mais en même temps on parle de quelqu’un qui se cherche etc etc. Vous voilà prévenus ! Ceci étant dit, si jamais vous souhaitez vous procurer ce petit livre (et je ne peux que vous le conseiller), il est disponible dans toutes les bonnes librairies.
Un livre remarquable pour un auteur remarquable. Me voilà retombée dans les écrits de Raphaël Watbled, dont j’avais déjà pu chroniquer son Journal d’un Sans Mémoire et dont j’avais été impressionnée par la sensorialité. Douceur et volupté, si vous vous rappelez bien, accompagnaient le lecteur dans cette découverte de Melvin. Ici, un Maxime, qui se découvre peu à peu lui aussi. Non pas qu’il ait perdu la mémoire, même si j’imagine qu’il aurait voulu. Lorsqu’il quitte son ex future femme après des évènements que l’on pourrait qualifier de traumatisants, notre protagoniste se perd dans une quête de désir charnel et emotiqu’il peine (n’arrive clairement pas) à assouvir.
Il évitait le plus possible d’entrer en communication avec autrui. Les discussions lui étaient coûteuses, entretenir des conversations banales et improductives l’agaçait au plus haut point. Constat aussi simple que chagrinant : il avait progressivement perdu le sens des relations et la force de se soumettre aux formalités. Le contact avec le monde ne lui manquait pas. Il préférait son mutisme aux cacophonies extérieures. Plus généralement, il préférait la platitude de son intériorité aux illusions du bonheur qu’affichait les autres.
Un peu plus crue, un peu plus abrupte, la plume de Raphaël Watbled accompagne cette quête de désir de Maxime. Il est assez intéressant de voir qu’il passe par toutes les phases du deuil – le déni, la colère, le marchandage, la dépression, l’acceptation – tandis qu’il découvre, au détour de sa loge de gardien, dans un bar gay du centre ville d’Aix-en-Provence, dans l’arrière fond d’un sex shop tenu par deux hommes d’un certain âge, que la passion charnel dépasse les frontières d’un genre. Il est au départ résigné, engoncé dans une hétéronormativité étouffante, même s’il est profondément curieux. Son évolution est tel un papillon qui sort de sa chrysalide, une agapanthe qui cache ses boutons en hiver pour les faire éclore en été. Une procession envoutante qui questionne sur la nature humaine et ses envies, contée par un narrateur omniscient dont les mots coulent au fond de la gorge comme un miel acidulé.
Et puis, dans tout ce cortège, entre une soirée arrosée qui critique sans se cacher l’ignominie des classes sociales favorisées, orgie opulente de champagne, de femmes « salopes » et de vieux grivois, et des nuits au Réaltor, des meurtres. Une enquête policière qui tourne autour de notre protagoniste, qui semble toujours – et de manière assez intrigante – connaître chacune des victimes. Un tueur en série qui ne voudrait que viser les hommes gays, amoureux éconduit ou réel pattern d’une lubie tueuse ? En arrière plan du livre, elle se mêle avec brio au scénario initiatique de la vie sentimentale, amicale et sexuelle de Maxime.
« -Toi, tu cherches l’Amour avec un grand A ? Parmi les laquais du Baron de Courcelles ?
– Et pourquoi pas ?
– Avec un grand A ! Les laquais ! Je crois que tu te contentes très bien d’un petit q, en l’occurrence.
J’ai dévoré l’Agapanthe car je voulais voir Maxime accéder au bonheur. J’ai adoré sa présence d’esprit, ses interactions avec les personnages secondaires, avec des dialogues brillants qui relancent et compensent l’apparente platitude de notre protagoniste. J’ai détesté son caractère pour mieux le comprendre par la suite, j’ai vécu ses peines, ses dégoûts, ses peurs et ses envies. Qui ne s’est pas un jour questionné sur l’attirance qu’on peut éprouver pour quelqu’un, quelque soit son genre, et quelle qu’en soit la signification ? Ce livre est profondément sincère et vulnérable, ce qui en fait une pépite de cette année 2023.
À lire ou pas ? L’Agapanthe est un de mes premiers coups de cœur de cette année, et je n’en attendais pas moins de Raphaël après avoir adoré son Sans-Mémoire. Un livre à lire de toute urgence !
5/5 est ma note pour ce livre.
Et voilà, cette chronique est dès à présent terminée, j’espère qu’elle vous aura plu ! Je suis dingue de la plume de Raphaël Watbled, c’est fou ce talent d’écriture comme ça. Pour l’instant je n’ai lu que ses livres sur fond érotico-policier mais j’ai hâte de me procurer le reste de ses œuvres ! D’ailleurs, L’Agapanthe est déjà nommée pour plusieurs prix, c’est dire l’impact qu’elle a. Hâte de voir ce que réserve l’avenir à ce livre !
Bouquinement vôtre, Jade