
Résumé : « Venir me réfugier au lac, comme ce matin, m’apaise, car il me rappelle que nous avons été et qui nous sommes toujours. Pekuakami : ta surface lisse se mêle à l’horizon, le soleil s’y mire comme dans une glace, et ce miroir me renvoie à tous mes souvenirs ».
Au soir de sa vie, sur les rives de Pekuakami – le majestueux lac Saint-Jean, au Québec -, Almanda remonte le fil de son existence, comme autrefois les rivières. Orpheline, elle est élevée par un couple de modestes fermiers qui la destine aux travaux des champs. Mais sa rencontre amoureuse avec un jeune chasseur innu va tout bouleverser : elle quitte alors les siens et rejoint le clan des Atuk-Siméon dont elle partagera le quotidien et auprès de qui elle apprendre à vivre en forêt.
Centré sur le destin singulier d’une femme éprise de liberté, ce roman relate, sur un ton intimiste, la fin du mode de vite traditionnel des peuples nomades du nord-ouest de l’Amérique, contraints à la sédentarité. Almanda Siméon est l’arrière-grand-mère de Michel Jean, sa kukum.
Kukum est un roman historique et biographique, écrit par Michel Jean. Il a été publié en janvier 2020 aux Éditions Dépaysage.
Disclaimer : Colonisateurs shame account ni plus ni moins. Et si vous voulez vous procurer ce roman, vous pouvez le faire dans toutes les bonnes librairies et sur les internets. J’avais la version Dépaysage en grand format mais le format poche (moins onéreux) est sorti chez Points.
Il est immense. Troisième plus grand lac québecois, Pekuakami (le lac Saint-Jean) se dresse majestueux. Sur sa rive ouest, il y a Masteuiatsh (ou Pointe Bleue), une communauté innue dont est issu l’auteur, Michel Jean. Pas sa « kukum« , initialement. Almanda, fille d’immigrés irlandais, née en 1882, élevée par son oncle et sa tante, a une soif de liberté dévorante. Une liberté qui lui tend les bras et qu’elle saisit avec force, lorsqu’elle épousera Thomas Atuk-Siméon, un Innu. Alors elle intègre cette communauté, découvre ses coutumes, aime, apprend, comprend ; et elle emmène le lecteur lors de cette traversée hors du temps.
« Avec le temps, j’ai compris que, pour apprendre, il fallait regarder et écouter. Rien ne servait de demander. »
Ce livre retrace l’itinérance de la kukum de Michel Jean, sous les doux mots de l’auteur qui peint une arrière-grand-mère fabuleusement moderne, et une description splendide des paysages qui entourent le lac Pekuakami, avant sa colonisation par les blancs. L’atmosphère du livre est tranquille, bercée au rythme des transhumances des nomades Innus, les tissages d’aiguilles et la chasse aux orignaux. D’une poésie rare et sans fioriture, la beauté calme du récit nous étreint dans une atmosphère doucereuse initiale, pour finir par retranscrire la tristesse amère d’une forêt dépecée.
L’histoire des Innus de la famille Atuk nous est contée, et son avenir prometteur, famille florissante d’enfants et de peaux de bête, de fêtes de Noël et de traversée de la rivière ; mais la colonisation progresse et enferme les Innus dans une réserve qu’ils ne pourront plus quitter. La forêt se meurt, les digues coupent les rivières, les enfants sont pensionnaires forcés ; la chasse est remplacée par l’alcool, seul sursaut de liberté. Je ne lis pas forcément de colère en Almanda, plutôt une grande tristesse. Elle s’est forgé un caractère d’Innu et parle avec grande sagesse, sans laisser la fureur l’inonder. Mais elle touche au plus profond du cœur par son passé rasé par des hommes qui n’ont que faire de son identité.
« – C’est beau, hein ?
Thomas devait crier.
– Je… je ne sais pas. C’est plutôt effrayant.
– Il faut craindre la puissance de la rivière et la respecter.
La peur tétanise, la crainte incite à la sagesse. Ça aussi, je devais l’apprendre. »
Malgré son apparente quiétude, Kukum est un livre bouleversant. Devoir de mémoire, il est de ces ouvrages qui reste en tête avec une limpidité absolue, tandis que l’on s’agace et s’offusque de ce que nos ancêtres ont fait à cette communauté et à leur lieu de vie. La productivité, la rémunération, remplacent férocement la philosophie Innue qui respecte chacune des vies, quelle soit humaine ou bien animale. Merci à Michel Jean de nous éduquer, de transmettre avec autant de patience et de beauté une histoire d’amour que l’horreur d’une voie ferrée n’arrivera pas à briser. Tshinishkumitin et longue vie à Kukum.
À lire ou pas ? Un livre nécessaire sur l’histoire des Innus du Québec et du lac Pekuakami, avec les mots savants de Michel Jean dont je ne peux que vous recommander la lecture.
5/5 est ma note pour ce livre.
Et voilà, cette chronique est dès à présent terminée, j’espère qu’elle vous aura plu ! Je suis ravie de m’être lancée dans la lecture de Kukum que j’avais un peu délaissé au fond de ma PAL (je n’avais pas le temps de lire tout court ceci dit), mais ça m’a donné envie de lire les autres écrits de Michel Jean et notamment Maikan que je me suis procurée en format poche ehe. Bon, et sinon, vous l’aviez lu Kukum ? N’hésitez pas à me laisser un petit commentaire que nous discutions, et surtout…
… Bouquinement vôtre, Jade