
Résumé : En pleines années folles, le quotidien des Fay, Baker, Gatsby et autres nantis est synonyme de soirées décadentes, d’amours libres et de cocktails explosifs. Sans oublier les fantômes et les démons, les âmes vendues contre quelques richesse, et le papier découpé qui prend vie.
Née au Tonkin puis élevée dans la haute société américaine, Jordan Baker est à la fois intégrée et exclue de la jeunesse dorée de l’ère du jazz, oscillant entre privilèges et portes fermées. Lui reste à apprendre comment découper la parfaite clef en papier.
Les Beaux et les Élus est un roman un chouilla fantastique écrit par Nghi Vo, traduit en français par Mikael Cabon et illustré par Greg Ruth. Il a été publié dans sa version française en août 2024 aux éditions L’Atalante.
Disclaimer : faîtes pas les mijorées, c’était les années folles, bien sur que les mœurs n’étaient pas les mêmes. Et puis les gens font bien ce qu’ils veulent, non ? Allez, la bise au chat (et si vous désirez vous procurer ce livre, vous pouvez sur l’internet mondial ou dans toutes les bonnes librairies).
C’est assez marrant, parce que ce livre a l’air de rassembler beaucoup de lecteurs qui n’ont jamais lu « Gatsby Le Magnifique », de F. Scott Fitzgerald. Je crois que je n’ai même pas vu le film. J’en ai ouïe parler. J’en ai eu des retours. Mais je m’imprègne finalement pour la première fois dans cette univers affriolant par le biais de Nghi Vo, qui décide de réécrire l’histoire de Gatsby. Le narrateur change, les points de vue divergent, en la personne de Jordan Baker, une jeune femme « adoptée » au Tonkin-Vietman, dans un passé flou tel que son âge parait indécis. On est toujours au 20ème siècle, en plein dans les années folles, dans la prohibition, pas tant pour les riches que pour les pauvres, dans les fêtes extravagantes, avec ce Gatsby mystérieux en fond de paysage. Et puis il y a les Fay, plus particulièrement Daisy, la meilleure amie de Jordan, son mari, Tom, Nick, le cousin qui rentre de l’armée. Du beau monde qui se toise et se juge dans l’intimité.
Jordan Baker donc, je le disais plus haut, narre ses aventures sociales, mondaines, amoureuses malheureuses, ses déboires, ses ressentiments. C’est un personnage haut en couleur, qui veut se faire paraître détachée. Détachée car l’on n’attend pas d’elle la convenance – elle est étrangère, même si son nom de famille indique le contraire – elle peut aller et venir au gré de ses volontés, bien qu’être une femme la limite encore. Et puis elle a ce côté fantastique maladroit, cette découpeuse de papier qui donne vie au désir d’autrui, de Daisy plus particulièrement, sa muse de papier. Détachée avons-nous dit, mais avide d’amour, elle en offre à qui veut bien lui porter intérêt.
« Tu serais bien sotte de te croire indemne de secrets méritant que tu t’en soulages. »
On pourrait se dire qu’il s’agit encore d’un livre retraçant les affres des riches, leurs sauteries grotesques – et c’est le cas, elles sont grotesques – pourtant Nghi Vo apporte à ce nouveau Gatsby une lumière sur le racisme, sur le féminisme, sur les violences faites aux femmes. Les relations interpersonnelles sont aussi savamment explorées, détaillées, les dynamiques sociales tutoyées, tandis que Jordan Baker découvre finalement qu’elle n’est pas celle pour laquelle elle veut se faire passer (ou plutôt, celle pour laquelle on veut la faire passer). Et puis la mort, la haine, la tromperie, l’adieu, la menace, tant d’émotions exprimées pour des personnages qui pensent se suffire à eux-même, alors qu’ils sont maladivement dépendants de l’autre.
L’écriture de Nghi Vo est pour le moins géniale, même si l’utilisation probable du « Notwithstanding » (nonobstant en français) reste probablement immodérée (et en même temps j’en abuse de la même manière), un rendu hommage sur une mise en abyme de Gatsby Le Magnifique, et une manière de faire passer des messages politiques, inclusifs, en intégrant une part de fantastique délicieuse. Malgré quelques longueurs de l’esprit, ce roman m’aura permis de m’évader dans les étoiles de l’ère du jazz, et de danser avec les jambes en papier de Jordan.
À lire ou pas ? Surprenant roman qui mérite que l’on s’y attarde.
4/5 est ma note pour ce livre.
Et voilà, cette chronique est dès à présent terminée, j’espère qu’elle vous aura plu ! Connaissiez-vous Nghi Vo ? Aviez-vous déjà vu/lu Gatsby Le Magnifique ? N’hésitez pas à me laisser un commentaire, que nous puissions en discuter. Et surtout,
Bouquinement vôtre, Jade