
Résumé : Héropolis, c’est le nom d’une île coupée du monde que Mark Z a achetée à la Grèce. Richissime et mégalo, le magnat du Métaverse y aurait crée l’Athènes du Vème siècle avant Jésus-Christ. Narval, un agent de la DGSE, est envoyé en mission secrète sur l’île avec deux athlètes qui participeront aux Jeux panathénaïques. Motif ? Z est soupçonné de préparer une mise sous contrôle de la Terre via les monstrueux datacenters dont Heropolis serait truffée. Mais dès son arrivée sur l’île et sa rencontre avec Maxima, la fille adoptive de Z, à la peau étrangement bleue, Narval perd le contrôle des évènements…
Heropolis est un polar dystopique/SF (un peu dur à classer j’avoue, mais le résumé dit bien que ce livre est inclassable) écrit par Jean-François Paillard et publié en mai 2024 chez les éditions du Rouergue.
Disclaimer : j’aimerais pas être dans la tête de l’auteur, ça a l’air d’être compliqué ces histoires. Bouquin à se procurer dans n’importe quelle bonne librairie ou par la voie internetale.
Bienvenus dans le Métavers. Un univers virtuel où un certain Mark Z (Zakenberg pour les intimes) recréé l’Athènes de Périclès au Vème sicèle avant J.-C sur une petite île grecque. Le tout entouré d’un certain nombre de milliardaires participant à l’édification d’une nouvelle société sur cette île, desquels nous citerons notamment Jeff Bedos, Kim Kabasakian et tutti quanti. Et puis, une histoire d’IA qui contrôlerait la population, les naissances, les crimes, pour sauver la misérable planète terre d’une annihilation par l’homme et ses dérives. Ajoutez à ça un agent de la DGSE avec un PTSD (ou ESPT pour les franco-français) qui doit s’infiltrer sur cette île pour essayer une nouvelle arme pouvant bénéficier à la France, en même temps que peut-être démanteler la secte du Z, et vous voilà avec un pitch qui fait briller les yeux des amateurs d’espionnage.
Évidemment, dans les noyaux amygdaliens de mon cerveau bouleversé, je ne ris pas du tout. Je sens que ma gorge se serre au contraire, et que mon cœur bat à tout rompre, je sens que je suis pris de panique et que j’arbore une tronche comiquement constipée tandis que la jeune Maxima pose sur ma tête avec un calme et une délicatesse confondants la couronne « de myrte et de safran entrelacés » (dixit Jassim) qu’elle tenait enroulée à son poignet. Ce faisant, elle me susurre à l’oreille un truc à la sauce attique dont je n’entrave que pouic, mais qui me fait un effet bœuf car je me sens tout à coup prêt à tuer sur-le-champ et de sang-froid quiconque lui manquerait un tant soit peu de respect.
Vous vous doutez bien que tout ne se passe pas comme prévu. Pour lire ce livre, il faut avoir l’esprit bien accroché, connecté, aggrafé, épinglé ou tout autre verbe d’attachement qui vous plaira. L’intrigue est farfelue, la temporalité du roman est tout aussi extravagante, et la narration n’en demeure que plus attrayante. Sectes, jeux grecques avec chars, complot international voir interplanétaire, personnages atlantes mystérieux, métavers, double vie, et même un chouille de romance composent ce livre qui je vous l’avoue, a été très rafraichissant. Et puis, la gentillette moquerie de nos multimilliardaires et de leurs projets mégalomanes insensés était aussi une touche appréciable de ce roman.
Si l’on s’intéressait au style, et en réitérant le fait suivant, ce livre est un inclassable parmi les inclassables (c’est dire). Trésor stylistique avec de nombreuses figures de style et un amour fort pour l’asyndète, des descriptions dantesques qui ne s’interrompent que le temps d’une inspiration, ce livre évoque un joyeux bordel, mais un bordel littéraire fascinant à la Alain Damasio. J’avoue avoir parfois perdu le cap, et peut-être même n’ai-je pas compris quelques passages que j’ai pourtant pris plaisir à lire. Ce livre me fait penser au chat qui veut courir trop vite et dont l’arrière train lui passe devant la tête, hâtivement décidé à lancer ses idées à tue-tête. Comment contenir autant d’idées dans un livre ?
Homère le dit lui-même : « Pour qui n’est point dieu, il est difficile de tout raconter. » Or, je l’avoue sans honte : même si j’avais le talent fleuri et la retenue chantante de l’illustre poète contant le siège de Troie […], il me serait difficile de rendre compte du massacre qui suivit avec la nécessaire puissance du vécu, les plus forts, m’a-t-on rapporté, ayant de toute façon porté l’essentiel de leurs coups dans le dos des plus faibles.
Il s’agit d’une réussite évidemment, même si l’on a parfois du mal à suivre. L’humour peut y être gras et grossier, mais c’est l’adage de Narval, le personnage principal ; et la relation qu’il entretient Maxima paraît assez malsaine (elle a l’âge d’être sa fille). Peut-être lui reprochera-t-on d’être passif, spectateur de sa propre déchéance et de ses actions ; mais l’action circonvolue autour de lui avec adresse et lui-même prend par au jeu, même s’il se fait mener par le bout du nez. Dommage pour un type qui travaille à la DGSE. Par ailleurs, les protagonistes de ce livre sont hauts en couleur, uniques en leur genre même s’ils tendent à vouloir imiter leurs homonymes Périclétiens. Et puis finalement, la fin (la faim), la guerre, et la classique épanadiplose de répétition qui conclut ce récit à la fin ouverte. On en reprendrait encore quelques miettes !
À lire ou pas ? Un drôle d’OLNI qu’Heropolis, qui mérite sa place au panthéon des lectures cool mais abracadabrantes. Se dévore à l’infini.
4,5/5 est ma note pour ce livre.
Et voilà, cette chronique est dès à présent terminée. J’espère qu’elle vous aura plu, même si elle est aussi dans le désordre que le livre qu’elle dépeint (ça fait une éternité que je n’avais pas écrit, les mots ont du mal à se mettre les uns devant les autres). N’hésitez pas à laisser un commentaire pour que nous discutions d’Heropolis ! Et surtout,
Bouquinement vôtre, Jade
Rien que pour Mark Z et Jeff Bedos, j’avoue que ça me donne envie :p
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, ça m’a fait beaucoup rire aussi aha
J’aimeJ’aime
« OMG ! That’s so nice of you ! » dirait ma copine Kim Kabasakian. Merci ô cher et inconnu jmahsea pour cette lecture amicale de HEROPOLIS. Merci. Ce genre de recension est de nature à soigner l’inévitable blues post partum de l’écrivain. Celui qui le fait se traîner d’idées maussades en velléités scripturales, qu’il abandonne sur-le-champ avec des grands soupirs d’impuissance et des puérils « à quoi bon »… JF P
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup pour votre commentaire, j’ai passé un très bon moment de lecture 😍
PS : j’ai rectifié le nom de notre Kim K internationale que j’avais écorché, j’espère qu’elle ne m’en tiendra pas rigueur 😌
J’aimeJ’aime